Passionné par l’univers hôtelier depuis des années, j’ai vu le secteur évoluer de manière spectaculaire. Aujourd’hui, une transformation majeure est en cours : l’intégration de l’écologie au cœur des préoccupations. Ce n’est plus une simple option ou un argument marketing, mais une véritable nécessité, poussée par les réglementations, une clientèle de plus en plus consciente et, soyons honnêtes, un impératif éthique face aux défis environnementaux. Je vous propose d’explorer ensemble les grandes tendances qui redessinent l’hôtellerie moderne pour la rendre plus respectueuse de notre planète.
La prise de conscience écologique une nouvelle norme pour l’hôtellerie
Il faut le reconnaître, le tourisme, et l’hôtellerie en particulier, ont un impact environnemental non négligeable. On estime qu’environ 8% des émissions mondiales de carbone proviennent du tourisme, dont une part significative revient à l’hébergement avec sa consommation importante d’eau et d’énergie. Cependant, les lignes bougent. Les voyageurs, notamment les jeunes générations comme la Gen Z, sont de plus en plus nombreux à rechercher des expériences alignées avec leurs valeurs. Une étude de Booking.com révélait déjà que 72% des voyageurs considéraient le voyage responsable comme important, et une autre étude de 2019 montrait que 73% privilégiaient les établissements engagés durablement. Cette attente croissante, combinée à une pression réglementaire accrue (comme la loi AGEC – Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire – en France, visant à lutter contre le gaspillage, ou le décret tertiaire, imposant des réductions progressives de consommation d’énergie aux bâtiments) et aux exigences des investisseurs et des collaborateurs, pousse les hôtels à agir. L’écologie devient un levier de compétitivité et d’attractivité, mais aussi une source d’économies non négligeable. En Suisse, par exemple, où la préservation des paysages est cruciale pour l’offre touristique, la durabilité est perçue comme essentielle, une démarche formalisée dès 2009 par une charte de développement durable et soutenue par des outils comme la “Boussole de durabilité” d’HotellerieSuisse.
Mise en œuvre des pratiques durables au quotidien
Concrètement, comment cette transition se manifeste-t-elle au quotidien dans les hôtels ? Les changements sont multiples et touchent tous les aspects de l’exploitation. Il ne s’agit pas seulement d’afficher un label vert, mais de repenser en profondeur les processus pour minimiser l’empreinte écologique. C’est un travail de fond qui demande méthode et engagement, adapté à chaque établissement selon son âge, sa taille et son emplacement, comme le souligne une analyse de Deloitte.
Gestion optimisée de l’énergie et de l’eau
L’énergie et l’eau sont deux postes de consommation majeurs. Les audits énergétiques constituent généralement un excellent point de départ pour identifier les gisements d’économies. Les solutions vont du plus simple, comme le remplacement systématique des ampoules par des LED basse consommation ou l’installation de mousseurs sur les robinets (comme à l’Hôtel Martinez à Cannes), à des investissements plus conséquents comme l’amélioration de l’isolation (remplacement fenêtres, végétalisation), le remplacement des systèmes de CVC (Chauffage, Ventilation, Climatisation) par des équipements plus performants, ou l’installation de panneaux solaires, voire l’utilisation de la géothermie. La technologie joue ici un rôle clé avec les thermostats intelligents, les détecteurs de présence qui éteignent les lumières et ajustent le chauffage dans les chambres inoccupées, ou encore les systèmes de récupération de chaleur. Pour l’eau, outre les équipements hydro-économes (toilettes à faible débit, douches intelligentes limitant la durée), des hôtels explorent la récupération des eaux de pluie pour l’arrosage ou les sanitaires, ou le recyclage des eaux grises. L’Hôtel Martinez prévoit même un système d’eau en circuit fermé pour les douches de sa plage. La politique de réutilisation des serviettes et du linge de lit pour les séjours de plusieurs nuits, désormais courante, participe aussi significativement à ces économies, comme le rappelle Mews dans ses recommandations.
Vers le zéro déchet une ambition croissante
La gestion des déchets est un autre défi majeur. L’objectif ‘zéro déchet’ devient une ambition affichée par de nombreux établissements. Cela commence par l’élimination drastique des plastiques à usage unique : finies les petites bouteilles d’eau en plastique, remplacées par des fontaines à eau et des contenants réutilisables ; les mini-flacons de produits de toilette cèdent la place à des distributeurs rechargeables et des emballages biodégradables. Le tri sélectif est bien sûr essentiel, et la réglementation française impose désormais le tri à la source et la collecte séparée des biodéchets (restes alimentaires, épluchures…) pour tous les professionnels, quel que soit le volume produit, comme le rappelle la CCI Hauts-de-France. Le compostage des déchets organiques est une pratique de plus en plus adoptée, les hôtels pouvant parfois réutiliser le compost pour leurs propres espaces verts, à l’instar de l’ITHQ au Québec qui composte depuis plus de 10 ans et atteint un taux de valorisation de 80%, ou de l’InterContinental de San Francisco qui vise à détourner 90% de ses déchets des décharges grâce au recyclage et au compostage. La lutte contre le gaspillage alimentaire est également cruciale. Elle passe par une meilleure gestion des stocks, mais aussi par une remise en question des buffets à volonté, par exemple en privilégiant les portions individuelles, les plats préparés à la demande, ou des présentations plus petites et réapprovisionnées fréquemment. Des partenariats pour la redistribution des invendus se développent également, et des outils comme la plateforme Trackdéchets aident à suivre les déchets dangereux.
L’approvisionnement durable et les circuits courts
L’engagement écologique se reflète aussi dans les choix d’achats. Privilégier les fournisseurs locaux et les produits de saison pour la restauration permet de réduire l’empreinte carbone liée au transport tout en soutenant l’économie locale. C’est une tendance forte, qui se traduit par exemple par des partenariats avec des fermes voisines pour l’approvisionnement en légumes, fruits ou produits laitiers, ou la mise en avant de vins régionaux. Des initiatives comme Aliments du Québec au menu (utilisé par l’ITHQ) ou des certifications comme Ocean Wise pour les produits de la mer durables encouragent cette démarche. Certains hôtels vont jusqu’à créer leurs propres potagers sur le toit (comme l’ITHQ) ou en partenariat avec des fermes locales, adoptant une approche ‘de la ferme à la table’. Cette philosophie s’étend aux autres achats : produits d’entretien écocertifiés (comme Écologo utilisé par l’ITHQ), mobilier fabriqué à partir de matériaux recyclés, de seconde main ou durables (bois rénové, bambou), linge de lit en coton biologique, café équitable, œufs de poules élevées en plein air, etc. Un approvisionnement responsable est un pilier central d’une stratégie de durabilité réussie.
Leviers et valorisation de la transition écologique
Au-delà des opérations quotidiennes, plusieurs leviers permettent d’accélérer et de valoriser la transition écologique des hôtels. La technologie, l’implication humaine et la reconnaissance externe sont des éléments clés pour transformer les intentions en résultats concrets et crédibles.
L’innovation technologique comme catalyseur
La technologie est une alliée précieuse dans cette transition. Les systèmes de GTB (Gestion Technique du Bâtiment), qui permettent de centraliser et d’optimiser le contrôle des équipements énergétiques, aident à piloter finement la consommation d’énergie et d’eau. Les logiciels de gestion hôtelière (PMS, pour Property Management System), conçus pour gérer les réservations et les opérations, intègrent de plus en plus de fonctionnalités pour optimiser les processus et réduire le gaspillage, par exemple en facilitant la communication dématérialisée avec les clients ou en gérant les plannings de nettoyage de façon plus efficace. Des innovations plus pointues émergent également, comme des machines capables de réduire drastiquement le volume des déchets, des systèmes d’intelligence artificielle pour optimiser la gestion des ressources en temps réel (par exemple, en ajustant dynamiquement le chauffage des chambres en fonction des prévisions d’occupation et de la météo), ou encore des architectures durables intégrant la conception biophilique (qui vise à reconnecter les occupants à la nature via l’utilisation de lumière naturelle, de plantes, de matériaux naturels) et des matériaux écologiques, comme le Svart Hotel en Norvège. On voit même apparaître des concepts ludiques pour encourager les comportements vertueux, comme le système de ‘green miles’ récompensant les clients pour leurs efforts d’économie, évoqué lors du salon Food Hotel Tech.
L’importance de l’engagement humain clients et personnel mobilisés
La technologie et les processus ne font pas tout. L’adhésion et la participation active des équipes et des clients sont fondamentales. Pour le personnel, cela passe par la formation et la sensibilisation aux enjeux et aux bonnes pratiques écologiques. Des employés bien informés et impliqués deviennent les meilleurs ambassadeurs de la démarche de l’hôtel, peuvent suggérer des améliorations pertinentes et assurer le suivi des actions mises en place. Il est essentiel de les impliquer dans les décisions et de valoriser leurs contributions. Côté clients, l’information est clé : expliquer de manière transparente les actions mises en place dans l’établissement, les encourager à participer (réutiliser les serviettes, trier les déchets, éteindre les lumières), sans pour autant les culpabiliser. Proposer des options de transport durable (vélos en location, bornes de recharge pour véhicules électriques, informations claires sur les transports en commun, navettes partagées) fait aussi partie de cette approche globale visant à réduire l’empreinte du séjour.
Reconnaissance et crédibilité certifications et transparence
Pour valoriser leurs efforts et rassurer les clients sur la sincérité de leur démarche, de nombreux hôtels optent pour des certifications ou des écolabels. Ces labels, souvent basés sur des audits externes réalisés par des tiers, attestent du respect de critères environnementaux et sociaux stricts, offrant ainsi une garantie de crédibilité. Il en existe une multitude à l’échelle nationale ou internationale (Green Globe – obtenu par l’Hôtel Martinez, Green Key – promu par l’Association Hôtelière du Canada, LEED pour les bâtiments, Clé Verte – obtenue par l’Hôtel de l’ITHQ, Écolabel Européen, Green Seal aux USA, EarthCheck, etc.). Ces certifications permettent aux hôtels de se distinguer et d’attirer une clientèle sensible à ces enjeux. Aux États-Unis, des ressources comme celles de l’EPA listent différents standards reconnus. En France, la récente révision du classement hôtelier intègre désormais davantage de critères liés au développement durable (27 critères dont 12 obligatoires), reconnaissant officiellement ces efforts, comme le rapporte Challenges.fr. Au-delà des labels, la transparence est essentielle. Communiquer honnêtement sur les actions menées, les objectifs fixés et les progrès réalisés (par exemple via des rapports de durabilité intégrant impacts environnementaux et financiers) permet de construire une relation de confiance et d’éviter tout soupçon de ‘greenwashing’.
Au-delà de la durabilité vers un tourisme régénérateur et responsable
L’hôtellerie verte ne cesse d’évoluer. La tendance la plus récente est celle du tourisme ‘régénérateur’, qui vise non seulement à minimiser l’impact négatif, mais à avoir un impact positif sur l’environnement et les communautés locales. L’idée est de laisser une destination en meilleur état qu’on ne l’a trouvée, en contribuant activement à sa restauration écologique ou culturelle. Cela peut passer par des projets de restauration d’écosystèmes, de préservation de la biodiversité (comme le fait l’Inkaterra Machu Picchu Pueblo Hotel au Pérou en protégeant la forêt tropicale environnante), ou un soutien renforcé aux cultures et économies locales via le tourisme communautaire. Cette vision holistique est soutenue par des initiatives gouvernementales (comme le plan ‘Destination France’ visant un tourisme durable d’ici 2030 ou les plans d’action au Québec) et des collaborations sectorielles fortes. On peut citer le partenariat entre l’Umih et l’Ademe en France, qui vise notamment à accompagner les diagnostics environnementaux via le Fonds tourisme durable et à lutter contre le gaspillage alimentaire, ou encore le projet pilote mené par l’Association hôtelière du Grand Montréal pour évaluer et améliorer les pratiques selon les 17 objectifs de développement durable de l’ONU. L’avenir de l’hôtellerie s’écrit résolument en vert, avec une responsabilité accrue et une recherche constante d’harmonie entre l’accueil des voyageurs et la préservation de notre monde.